dans
la programmation
« C’est l’histoire de Marie-Antoinette. Ce n’est pas une biographie de Marie-Antoinette. C’est mon histoire imaginaire de Marie-Antoinette. Je rêve son regard sur le monde qui l’entoure et la façon dont elle était imaginée par le peuple et par son entourage. »
Dans ce nouveau spectacle, la metteuse en scène Pauline Susini s’intéresse à la vie et à l’histoire de Marie-Antoinette. Elle nous propose un portrait original, sensible et très personnel de ce personnage phare de notre histoire, ne s’attachant pas seulement à retranscrire une pure réalité historique mais aussi à fantasmer sa vie, ses peurs, ses pensées, son regard sur le monde et sur elle-même. Elle nous parle de ses choix, de ses inspirations.
« Marie-Antoinette m’intéresse parce qu’elle est une figure monstrueuse de notre Histoire. On apprend son nom à l’école, mais ce que l’on retient d’elle ce n’est bien souvent que sa mort ainsi qu’une vague idée de débauche versaillaise mêlée à une origine étrangère et donc suspecte. Adulée, détestée, fantasmée, tantôt gracieuse reine, jeune femme touchante, naïve et innocente, tantôt féroce, vorace et perverse, tantôt « Archiduchesse », tantôt « Architigresse ».
J’ai commencé le travail d’écriture en me plongeant dans d’infinies lectures, films, documentaires, iconographies, tableaux et caricatures sur l’époque. Beaucoup de textes ont été source d’inspiration pour moi, tels que Marie-Antoinette l’insoumise de Simone Bertière ou le fameux Marie-Antoinette de Zweig. Et c’est en effectuant ce travail de documentation que j’ai découvert son procès, édité en intégralité. À sa lecture, j’ai été frappée par la sensation que ce n’est qu’à ce moment là qu’elle est devenue reine, pendant les dernières heures de sa vie, alors qu’elle était déjà condamnée. Trop tard finalement.
Outre le caractère tragique, c’est cette contradiction qui m’a interpellée : la friction entre l’image d’une souveraine dépensière et égoïste, et celle d’une femme digne et intelligente que personne n’arrive à atteindre au tribunal.
Le procès constitue le point de départ de l’écriture. Il est le fil conducteur de la pièce, le point d’ancrage réel me permettant de traverser la vie de la souveraine en effectuant des plongées au cœur de ses souvenirs et de ses pensées intimes. Et par là, de développer un univers fantasmagorique. Par ailleurs, j’ai fait le choix de « séquencer » la vie de Marie-Antoinette en trois parties dans l’écriture: Sa jeunesse à Versailles, la femme « Politique » au moment de la Révolution Française et la femme «Prisonnière » à la fin de sa vie. Je souhaite que trois comédiennes l’incarnent alternativement. C’est une façon pour moi de multiplier les aspects de son caractère et de montrer son évolution. Raconter les différentes femmes qu’elle a pu être au cours de sa vie.
Les « plongées oniriques » me permettent de créer deux visions parallèles de la vie de Marie-Antoinette: ce qu’elle accepte de montrer en public et ce qui se cache au plus profond d’elle-même. Je veux peindre à travers ce double regard un personnage riche et complexe habité par des contradictions, qui m’apparaissent très contemporaines.
Il est fondamental pour moi de mettre en évidence la modernité de Marie-Antoinette, bien que je conserve le langage d’époque, m’aidant à peindre la subtilité des rapports entre les personnages et leur pudeur. Je m’efforce de révéler les échos possibles avec le monde politique d’aujourd’hui. L’actualité frappante de l’histoire de Marie-Antoinette, son caractère universel aussi : Quel rôle l’homme politique peut-il jouer en temps de crise ? Pourquoi en vient-on à croire tout et n’importe quoi quand la misère est omniprésente ? Comment vivre le phénomène de « starification », la haine, la fascination, les projections et la solitude qu’il implique ? Comment s’affranchir de notre condition et des codes qui nous enferment ? À quelle liberté peut-on prétendre suivant notre rôle dans la société ? Pourquoi et comment en vient-on à une révolution ? »
Pauline Susini, metteuse en scène