L’imprévisible Sébastien Barrier

dans
la programmation

Gus

vendredi 18.10.2019 à 20h30

Au milieu de ballons noirs qu’il éclate à coups de pied, Sébastien Barrier, le beau parleur, prend la défense des éclopés et dispense, avec sa verve habituelle, une belle initiation à l’humour noir et à la mélancolie.

Vous êtes sensible aux énergies entre la scène et la salle. Celle des enfants est-elle différente de celle des adultes ?

Je suis encore en train d’écrire à l’oral. De découvrir ce que j’essaie de raconter au moment où je le raconte. Les réactions des enfants ne sont pas différentes de celles des adultes. J’aimerais bien réussir à incarner dans le spectacle le tonton très libre que je suis pour mes neveux et nièces. Atteindre cette relation de complicité. Mais je ne sais pas si j’y arriverai car je cherche encore le bon ton pour m’adresser aux enfants sans ennuyer les adultes et vice versa. A part ceux du premier rang, qui sont un peu sous la lumière, j’ai encore du mal à voir les réactions des spectateurs et à interagir avec eux.

Il y a une volonté évidente de vous adresser aux enfants sans les prendre pour des débiles…

Je considère les enfants comme des personnes normales. Et je ne me pose pas beaucoup la question du vocabulaire. Je discutais l’autre jour avec des spectateurs du Théâtre de la Colline d’une de mes précédentes prises de parole devant des enfants, quand j’incarnais le marin-prêcheur Tablantec. A l’époque, je parlais de très longues minutes à des gamins de 5 ou 6 ans. J’étais sûr qu’au niveau de la compréhension des mots ils ne pouvaient pas tout saisir, mais dans ma manière de m’adresser à eux, avec bienveillance, en les submergeant un peu, ils restaient scotchés, comme s’ils comprenaient tout. Il y a avec les enfants une forme de complicité plus directe, plus franche, car je suis un peu comme eux, je ne suis pas comme les autres adultes, je fais des bêtises, je dis des gros mots, je m’amuse de mes fragilités, de mes faiblesses. Un contact passe. C’est une autre compréhension, qui n’est pas basée sur les mots mais sur un truc plus animal, organique.

Certaines allusions ou blagues de GUS échapperont clairement aux enfants…

Oui, j’aime bien que les enfants entendent qu’on rit autour d’eux sans forcément comprendre pourquoi. Ça peut leur donner envie d’essayer de comprendre, de grandir un peu plus vite. J’espère ne pas en faire trop. L’idéal, c’est de faire des allers-retours entre petits et grands. Un jour, quand je serai en pleine possession de ce spectacle, en voyant la salle rentrer, je serai en mesure d’adapter le ton, l’humeur, l’adresse, en fonction du public.

Vous rebaptisez les réseaux sociaux les « réseaux soucieux », quel regard portez-vous sur la technologie ?

Je n’ai pas d’enfant, donc je ne mesure pas à quel point il est difficile de les tenir à distance de l’écran. Du moins de leur donner un mode d’emploi qui leur permette de s’y promener sans s’y perdre. Après, dans ce spectacle, je ne me prive pas d’utiliser aussi la technologie. Il y a un écran, mais qui n’est pas seulement un écran [il s’agit d’un rideau de tulle sur lequel s’affichent en direct les lettres que Gus écrit à sa mère, ndlr]. Je tenais à faire un spectacle pour enfants avant d’en avoir, et pas quand j’aurai un enfant, comme sans doute plein de gens l’ont fait. Quand j’aurai un enfant, car c’est un projet que je n’ai pas complètement abandonné, je verrai bien… Mais je ne suis pas pressé d’avoir à me dépatouiller de la question des écrans et quelles limites donner.

Propos recueillis par Jérémie Couston pour Télérama. Retrouvez l’interview en intégralité ici.