dans
la programmation
« L’Endormi », c’est tout d’abord l’envie d’une forme hybride entre littérature jeunesse et rap. Et pour ce faire, il est surtout question d’une rencontre, celle entre Sylvain Levey et Marc Nammour.
Le choix des maux…
Au moment de choisir l’objet de ce travail, qui serait le fruit de l’union professionnelle entre les deux artistes, c’est un fait divers tragique qui revient en mémoire de Sylvain Levey. L’histoire d’un jeune garçon poignardé en 2017, non loin du lieu de vie de l’auteur.
C’est alors décidé, ils écriront sur cette histoire et elle sera racontée par le personnage de Victoire, cette petite sœur de dix ans, qui se demande un jour pourquoi son frère n’est plus dans sa chambre…
Une fois l’histoire retenue par Sylvain Levey et Marc Nammour, la création se fait en deux temps, bien que toujours conjointement. En effet, il faut que cette histoire devienne fiction grâce au premier, avant que le second puisse y ajouter des chansons. Ainsi ils s’oxygènent mutuellement dans ce chassé-croisé des disciplines, où on renverse les codes et où l’on invente hors des cases.
…pansés par leurs mots.
Et dans cette pièce, pensée pour la jeunesse, les textes de rap clamés avec un débit soutenu viennent apporter une respiration. L’alliance entre ces plumes humanistes et ces textes à tour de rôle tendres, drôles et intenses donne donc naissance, comme désiré, à un récit rap, plus qu’à une pièce de théâtre dans sa forme la plus classique. D’ailleurs, pour s’assurer que ce dernier conserve une identité proche d’un concert de rap, il est soumis à l’œil de la metteuse en scène Estelle Savasta. Habituée à travailler pour ses propres créations, elle accepte de se joindre au projet dans le dessein de penser cette pièce pour le théâtre, sans la dénaturer. Pour cela, la scénographie se veut poétique. Au plateau : un lit simple, des fils suspendus et une lumière tamisée pour un tableau en clair obscur. Et pour accompagner cet univers non clinquant, la musique de Valentin Durup harmonise en existant de manière plutôt minimaliste entre les chansons.
Sur scène, Victoire, interprétée par Marc Nammour est une protagoniste vaillante en quête de vérité. Une vérité savamment dissimulée par les adultes, mais sur laquelle elle va réussir à mettre des mots à mesure qu’elle la découvre pour enfin rompre l’encombrant silence. Ses mots vont également désigner l’inénarrable dont son grand frère Isaac aurait pu être victime –grand frère qui parfois se bat, quand il est à court de mots-. Mais aussi des mots pour songer à la deuxième chance qu’est la vie qui se poursuit après un drame. Toujours parce que ce spectacle est pensé à destination du jeune public, la fin n’est pas tragique, ici c’est l’espoir qui est de mise.
Ce récit inspirant et inspiré est un hymne à la vie et un hommage à la jeunesse, sa complexité, son lot de drames et de questions, mais aussi à sa résilience et sa clairvoyance immense.
« L’Endormi », c’est finalement des artistes engagés au service d’une jeunesse concernée.
Justine Komé