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la programmation
Nous avons eu le plaisir d’accueillir le chorégraphe Diego Dolciami connu sous le nom Odd Sweet et trois de ses danseurs. danseuses sur une semaine de résidence du 23 au 27 octobre 2023. Nous aurons le plaisir de le retrouver, le 3 février 2024 à l’occasion de la 3ème édition de notre festival En corps et encore.
Faites connaissance avec Diego Dolciami aka Odd sweet, le chorégraphe interprète en pleine création entre nos murs. Un projet, cinq danseurs dont un musicien, que nous réserve-t-il pour la saison 2025 ? Auteur de deux spectacles de danse à succès, il nous fait découvrir ses coulisses et répond à toutes nos questions !
Bonjour Diego, avant de commencer, pourrais-tu te présenter à nos lecteurs ?
Je m’appelle Diego Dolciami, je suis danseur spécialisé dans la danse hip-hop et swing et chorégraphe de la compagnie ODD Visions que j’ai créée en 2014. Je suis actuellement en création du troisième spectacle _ground, qui se lit “underground”. On est en période de résidence au théâtre de Colombes qui nous héberge et nous aide en coproduction du projet et pour une future programmation en 2025.
Peux-tu nous en dire plus sur ton spectacle en pleine création, quelle a été ta source d’inspiration ?
Au début, ma source d’inspiration vient des gens dans la rue. C’est ce qui m’a donné envie de créer cette pièce : analyser et voir les gens, comment ils marchent, ils démarchent, ils bougent, ils parlent. Qu’est-ce qu’ils sont en train de penser à ce moment-là ? Quel est le dialogue que nous avons avec nous-même, avec notre moi intérieur ? Que se passe-t-il à ce moment-là ?
Parfois, nous sommes alignés donc tout se passe bien : nos paroles et nos mouvements disent la même chose. D’autre fois, il y a un petit quelque chose qui est défaillant, un de nos membres par exemple, un bras part et fait sa vie, il devient « indépendant ». Un décalage se crée. Le spectacle parle de la communication non verbale, du dialogue qui peut être intérieur avec quelqu’un d’autre, avec la musique ou même avec les ancêtres, les esprits.
En plus de ces choses qui m’ont inspiré, il y a une vidéo des Monty Python. C’est un sketch comique d’un groupe de comédiens britanniques dans les années 70 nommé Ministry of Silly Walks. C’est le “Ministère des Marches Idiotes” où on voit comment ils vont au travail, au Ministère en marchant de façon excentrique.
Il y a aussi le film de Wim Wenders, Les Ailes du désir, un film en noir et blanc sur Berlin. Ce sont des anges qui regardent les gens dans le métro, dans la rue, ils voient et entendent ce que les gens pensent. Ces images m’ont beaucoup inspiré.
Pour illustrer ces images, est-ce que tu vas mettre en scène différents types de danse ?
Oui, notamment avec les danses swing, que ce soit le black bottom, le charleston, le solo jazz ou les danses hip hop. Quand je pense aux danses hip-hop, je pense notamment à la house danse qui est une danse de club. Ces esthétiques me correspondent, je les trouve très riches, que ce soit techniquement, rythmiquement et esthétiquement. Je trouve dommage de ne pas les voir assez sur scène, elles ne sont pas assez représentées. Je pense être au bon endroit entre mes expériences en tant qu’interprète, avec des danseurs, chorégraphes contemporains ou autre et mon parcours en tant que danseur de house et de swing.
Comment s’est formé votre groupe de danseurs pour ce spectacle ?
J’ai fait appel à des danseurs que je connaissais déjà, qui viennent soit de l’univers swing, soit de l’univers house. Il n’y a pas beaucoup de pièces qui sont jouées, donc il n’y a pas forcément de danseurs swing professionnels. J’aime bien travailler avec des danseurs qui ont un parcours similaire au mien : on retrouve un vocabulaire et une façon de bouger commune. Ce sont des personnes qui n’ont pas forcément fait de création, c’est aussi ce qui m’intéresse : ils ont une expérience pour faire des shows ou des compétitions, mais pas sur une création. J’essaie de repérer ceux qui viennent de ce milieu là et, en même temps, qui ont une ouverture d’esprit, qui sont prêts à sortir de la technique pure, d’explorer plein de choses. Je suis d’ailleurs toujours en recherche d’un danseur ou une danseuse pour compléter le quintet d’artistes qui montera sur scène.
Concernant la création, est-ce que vous avez déjà réfléchi un peu à la structure du spectacle ou est-ce que cela ça se crée au fur et à mesure des répétitions ?
Je pense que ça va se définir au fur et à mesure. J’ai quand même une idée, mais je suis ouvert : c’est une construction commune avec les danseurs. Pour le moment, je me suis dit que ça allait durer 1h. J’aimerais bien utiliser de la musique sur scène, mais je ne peux pas en dire plus. Avant, j’arrivais avec une chorégraphie et une idée très précise en tête. Je leur apprenais les mouvements, ensuite, il y avait des moments de freestyle, de solos où ils pouvaient s’exprimer. Aujourd’hui, avec les autres expériences que j’ai faites, j’aimerais bien changer un peu et plutôt partir de “J’ai envie d’explorer ça, ça et ça. Comment vous l’interprétez ?”. Après, c’est moi qui combine pour changer les pièces du puzzle afin que cela corresponde le plus à ma vision.
Je vais maintenant m’adresser à toi personnellement : est-ce que tu aimerais co-produire un spectacle avec un autre chorégraphe en particulier ?
Oui, James Thierrée, ce serait un grand rêve de travailler avec lui en tant qu’interprète, mais encore plus en tant que co-chorégraphe !
Il arrive à mettre de la magie sur scène qui m’emporte dans un univers différent, qui me fait voyager. Et ce n’est pas juste de la magie, parce qu’il y a beaucoup d’artistes qui mettent de la magie, mais à sa façon, il rend compte du côté humain sur scène. Il l’utilise d’une façon qui me parle, qui me transmet beaucoup d’émotions, mais sans forcément passer par des choses très techniques. Il montre comment il peut être ultra polyvalent sur scène, tellement polyvalent qu’on ne dirait même plus que c’est un corps humain.
Est-ce que tu aimerais reproduire cette idée dans ta création actuelle ou dans une future création ?
J’essaye dans cette création de travailler avec un corps qui est vraiment très polyvalent, notamment dans la dissociation : comment une partie du corps se dissocie d’une autre, le bas du haut, la tête du reste du corps. C’est tout un travail de dissociation qui rend le résultat un peu magique.
Dernière question, comment est-ce que tu imagines ta carrière dans 10 ans ?
Je me vois toujours chorégraphier, je dirais même dans l’âge d’or de la création. J’aurais fait de riches rencontres et j’aimerais bien me concentrer davantage sur la création. Moins sur tout ce qu’il y a à côté : s’occuper de l’administration, des budgets, de la gestion… J’aimerais pouvoir m’entourer de personnes qui travaillent à temps plein pour le projet, pour la compagnie, et s’occupent du quotidien.
Avant de clore notre rencontre, Diego nous présente un dictionnaire un peu spécial qui retranscrit nos paroles en gestes du quotidien. Héritage de son enfance italienne, ce n’est pas une langue des signes à proprement parler, mais bien des signes qu’il a appris et partage maintenant avec ses danseurs. Ce moyen de communication nous montre une fois encore sa volonté de transmettre et d’apprendre à ses danseurs, non pas uniquement des mouvements, mais bien une partie de lui, une culture, un rêve d’artiste.
Interview réalisée par Emily Golinksy pour Backstage