dans
la programmation
Décapante et anachronique, la mise en scène d’Hamlet par Jérémie Le Louët, classique de Shakespeare, fait souffler une fraîcheur nouvelle sur le texte dans un mélange savant de burlesque et de tragédie. Il nous parle de son travail dans cet entretien.
Comment abordez-vous la question de l’adaptation de la pièce de Shakespeare ?
Je souhaite être fidèle à la pièce et libre dans l’écriture du spectacle. (…) Toutes les traductions m’intéressent : vers rimés, vers libres, vers blancs, décasyllabes, alexandrins, prose poétique ou non… Cette multiplicité des traductions rend très bien compte de l’évolution de la pièce à travers les siècles, car bien des lecteurs ont enrichi Hamlet. (…) Comme nos précédents spectacles (Ubu roi et Don Quichotte), notre Hamlet est une tentative d’écriture mixte, une création au sein d’une œuvre du répertoire.
Comment le travail avec votre équipe s’organise-t-il ?
Dans les premiers temps, mon travail est solitaire. Je m’atèle à faire une réduction de la pièce, je choisis séquences, tirades, dialogues… et les situations qui me semblent être le matériau le plus expressif d’un point de vue théâtral… celles qui nous permettront d’interpoler, de souder la pièce avec notre temps. Je travaille le texte à haute voix, j’essaie de forger la langue la plus percutante possible, percutante dans le sens euphonique du terme. (…) Dans l’écriture du spectacle, au plateau, nous créerons ensuite des brèches où nos mots se mélangeront à ceux de Shakespeare. (…) Ce travail d’écriture mixte, entre classique et création, entre texte et improvisation, entre citation théâtrale et expérimentation technique, nécessite un temps de maturation très long et des va-et-vient constants entre travail solitaire et travail en équipe. Chacun y joue une part active.
La Compagnie des Dramaticules s’appuie depuis ses débuts sur un noyau dur de comédiens. Pouvez-vous esquisser un portrait des comédiens qui composeront le plateau d’Hamlet ?
Difficile de résumer chacun en quelques mots. J’aurais trop peur de les caricaturer, de les réduire à des « types » d’acteurs, ce à quoi nous tentons d’échapper en revendiquant une palette de jeu large… et libre. Dans Hamlet, nous sommes six comédiens avec des tempéraments très différents. Je crois que nous partageons le même regard critique sur notre métier, le même sens de l’engagement sur le plateau et beaucoup d’autodérision.
Le cinéma est très présent dans votre théâtre. Comment la relation cinéma-théâtre s’articule-t-elle ?
Je suis venu au théâtre par le biais du cinéma. Il y a beaucoup de théâtralité dans le cinéma que j’aime : Bergman, Fellini, Lynch, Les frères Coen… Depuis Affreux, bêtes et pédants, la vidéo a une place très importante dans mes spectacles. Elle ouvre des perspectives qui s’étendent au-delà des limites du plateau : elle permet d’autres points de vue, des jeux de miroir, de distorsion, de grossissement… La vidéo est pour moi comme la lumière ou le son : un outil de contestation du spectacle en train de se faire.
Propos recueillis par Clotilde Chevallier, en mai 2017